Réserve ornithologique de la Grande Noë

2019

Novembre 2019 à Février 2020

Les mois d’hiver constituent dans la Boucle de Poses la période d’affluence pour l’avifaune. Cependant, les effectifs globaux de foulques, fuligules et cormorans deviennent de plus en plus faibles et ceci depuis plusieurs années. Nous avons constaté, à contrario, une tendance à la hausse des rassemblements d’oiseaux sur le lac des Deux Amants.

En décembre, nous avons accueilli Benoit C, stagiaire de 3ème qui nous a laissé un mot sympathique :

Passionné d'oiseaux j'ai eu la chance d'effectuer mon stage de 3ème auprès de Céline. Nous sommes partis à la rencontre de la nature. De la réserve de la Grande Noé en passant par Berville sur Seine, Jumièges, Hénouville ..., nous avons vu des dizaines d'espèces d'oiseaux (grande aigrette, garrot à œil d'or, grèbes castagneux, traquet pâtre, grèbe huppé, canard siffleur et bien d'autres encore !). J'ai beaucoup aimé observer cette faune ailée. Il faut de bonnes jambes pour sillonner les réserves et de bons yeux pour repérer et compter les oiseaux mais j'ai pu observer plein d'oiseaux que je n'avais jamais vus auparavant, c'était super !

Une deuxième stagiaire a été parmi nous, début février.

Fin janvier, sur une dizaine de jours, nous avons organisé 3 chantiers différents d’arrachage de ligneux dans la roselière (Saules et Aulnes) : 2 avec l’Epide et le dernier avec nos valeureux adhérents. Nous avons organisé plusieurs ateliers : enlèvement des plantules à la main, arrachage des souches pour les arbres plus imposants et enfin replantation près du chemin d’accès aux travaux pour essayer de faire une barrière naturelle au passage des personnes afin d’éviter un dérangement conséquent dans cette zone sensible et où nous espérons voir la roselière se développer.

En outre, des travaux ont été effectués autour de l’étang. En effet, nous souhaitons restaurer les pelouses sèches à orchidées par, dans une première phase, un débroussaillage de la zone, puis par la présence d’un cheptel caprin afin de limiter la prolifération des ligneux. Ceci dès le printemps si nous ne prenons pas de retard.

Côté ornithologie, le butor étoilé est revenu sur la réserve cette année après 2 hivers d’absence. Il s’est montré très discret mais l’observation du vol crépusculaire d’un individu nous a permis de prouver sa présence. Des bécasses ont été recensées à plusieurs reprises. Un vol de 9 grues cendrées cherchant à se poser a été observé, c’est une première pour la réserve en plus de 30 ans de relevés. Enfin, une érismature rousse stationne actuellement sur la réserve et fait régulièrement un show proche de l’ile aux cormorans. Les agents de l’Observatoire Français de la Biodiversité (anciennement l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) passent régulièrement pour la repérer car ils sont mandatés par le programme Life Erismature afin de prélever l’animal classé parmi les espèces invasives.

 

Focus sur le Butor étoilé

La population nicheuse du butor étoilé est en chute libre en Europe, tendance qui s’accroit depuis le début des années 80. Alors que Mayaud (1936) signalait l’espèce nicheuse dans la majeure partie de la France et probablement dans toutes les régions marécageuses au début du XXème siècle, elle n’occupe plus que 18 départements et est estimée à moins de 300 mâles chanteurs en 2012, recensés principalement en Camargue et dans la Brière (Atlas des oiseaux de France métropolitaine - ISSA et MULLER - 2015).

En Normandie, seuls l’estuaire de la Seine et les marais de Carentan retiennent encore quelques rares nicheurs. Des oiseaux venant de l’Est et du Nord de l’Europe hivernent régulièrement dans la région mais leur effectif varie beaucoup selon la rigueur de l’hiver : de quelques individus à plusieurs dizaines.

C’est un oiseau de la famille des hérons, très mimétique qui apprécie les grandes étendues d’eau douce ou légèrement saumâtres, peu profondes, couvertes de roselières. Il se nourrit surtout d’insectes aquatiques, de poissons, d’amphibiens et de plus en plus souvent maintenant d’écrevisses, principalement l’Américaine à pattes rouges qui est une espèce invasive chez nous.

Il mesure environ 1 mètre de hauteur, il est d’une allure trapue avec un plumage brun chamois qui lui permet de passer inaperçu dans les roselières.

 

Petit focus sur l’Erismature rousse

Oiseau d’origine américaine, introduite en Grande Bretagne dans les années 40 comme espèce d’ornement, l’érismature rousse s’est rapidement échappée de captivité. Dès 1960, on la retrouve nicheuse à l’état sauvage un peu partout en Angleterre puis son aire de répartition s’est étendue à toute l’Europe.

Sa cousine européenne, l’érismature à tête blanche, est menacée par cette invasion. Comme chez beaucoup de canards, les 2 espèces peuvent s’hybrider ; elles vivent aussi en concurrence sur le même espace vital. L’espèce européenne est maintenant classée en danger critique de disparition en France et vulnérable au niveau de l’Union Européenne.

C’est un canard plus petit qu’une foulque qui vit sur les étangs peu profonds. C’est un oiseau brun et trapu avec une tête de taille disproportionnée par rapport au corps. Le bec du mâle est bleu en plumage nuptial, son plumage est marron en hiver avec une tache blanche sur la joue plus ou moins importante suivant l’époque de l’année.

 

 

Août à Octobre 2019

Comme d’habitude, le mois de Septembre a été celui des chantiers. Particularité de cette année, cela a été aussi le mois des stands. En effet, nous sommes allés au village des associations de Rouen, à la fête de la ville de Val de Reuil et enfin sur 3 jours au festival Spot-Nature au Havre avec une conférence le vendredi sur les rapaces nocturnes.

Depuis le mois d’août, quelques photographes indélicats passent devant les observatoires, il est donc bon de rappeler que ces cabanes ont été construites pour que vous puissiez regarder et étudier la faune sans la déranger et en respectant la quiétude du lieu.

Début Septembre, 16 personnes se sont retrouvées, dont les jeunes de l’Epide de Val de Reuil, sur la réserve pour dégager la vue devant les observatoires. Le passage à bateau a été aussi nettoyé. Un groupe a travaillé à limiter la propagation des saules, des aulnes et des bouleaux dans la roselière et, dans un autre secteur, à arracher la Jussie, une plante invasive, à fleurs jaunes, originaire d’Amérique du sud, longtemps vendue en jardinerie et dont le développement incontrôlé dans la nature provoque maintenant de graves déséquilibres dans les écosystèmes.

Mi-Septembre, les élèves en BTS-GPN de la Maison Forestière Rurale de Coqueréaumont sont venus nous épauler pour limiter le développement de la végétation sur les ilots, rapatrier les radeaux à sternes sur leur lieu d’hivernage, les réparer et les nettoyer. Ils ont aussi participé à l’habituel terrassement sur les ilots, effectué pour favoriser l’accueil de nouvelles espèces. Nous nous sommes aussi à nouveau occupés de la Jussie dans certains secteurs de la réserve.

Côté ornithologie, nous avons découvert la présence d’une famille de canard chipeau. C’est une première pour la réserve.

Nous avons enfin obtenu l’historique du grèbe à cou noir bagué, trouvé mort sur un chemin de la réserve, mangé partiellement par un mammifère carnivore. C’est un oiseau marqué en 2017 à l’âge de moins d’un an dans la région de Huelva, dans le sud de l’Espagne. Il a donc parcouru 1472 km ce qui semble un exploit pour un oiseau que l’on ne voit guère voler. Il a donc fait mieux que la foulque macroule baguée en Pologne et observée cet hiver sur le Lac des Deux Amants, qui avait parcouru 1313 km.

Début août, une marouette ponctuée a été photographiée sur la réserve.

Le balbuzard pêcheur s’est fait plus rare cette année, durant la période de migration postnuptiale, sur l’intégralité de la ZPS des terrasses alluviales de la Seine.

 

Focus sur le Canard chipeau

C’est un oiseau d’apparence terne un peu plus petit que le canard colvert. Il est aussi plus svelte et c’est, tout comme lui, un canard de surface. Ses pattes sont orange. Le mâle a des plumes gris foncé et marron. La femelle ressemble à celle du colvert. Il vit en groupe et se mêle facilement aux autres espèces d’anatidés. C’est un canard qui niche au sol, généralement dans les orties proches des marais, lacs et étangs et localement dans les estuaires.

Parfois abondant en hivernage sur la boucle de Poses, c’est une espèce nicheuse classée en « danger critique d’extinction » en Normandie. Environ 40 000 individus hivernent en France mais il reste chez nous un nicheur encore très rare (la population française, en augmentation modérée, a été estimée en 2012 à 1000-1500 couples).

Il a un battement d’ailes rapides et il est majoritairement végétarien avec au menu herbes, végétaux aquatiques, graines. Cependant au moment de la ponte, la femelle mange des invertébrés et des petits vertébrés.

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Focus sur la Marouette ponctuée

C’est un oiseau proche du râle d’eau mais en miniature qui vit dans les marais et les prairies humides. Ce rallidé est difficilement observable car il se déplace caché dans la végétation avec une certaine agilité mais on peut l’apercevoir parfois sur le bord vaseux d’un étang, le long d’une roselière. De plus c’est un oiseau qui ne vole que sur de courtes distances et préfère courir et nager. Néanmoins c’est un grand migrateur qui hiverne en Afrique subsaharienne.

C’est par le chant du mâle qu’on repère cette espèce, le plus facilement lors des nuits printanières et d’été, du crépuscule à l’aurore.

La Marouette ponctuée se nourrit majoritairement de coléoptères, libellules, insectes aquatiques, chenilles, mollusques mais aussi de graines aquatiques.

C’est une espèce menacée par la disparation de ses habitats et par les dérangements humains, classée nicheur vulnérable en France avec un effectif estimé à 100-200 mâles chanteurs sur la période 2009-2012.

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Mai à Juillet 2019

En période de nidification, l’absence de travaux est de mise de façon à ne pas gêner la nidification des espèces présentes sur la réserve : ce fut encore le cas encore cette année. Bien sûr le travail d’entretien habituel, ramassage des déchets et d’entretien des chemins ne s’arrête pas pour autant, mais ce printemps nous avons eu un sérieux problème de déjections humaines pendant une dizaine de jour. Grâce à la base de loisirs de Léry-Poses de Normandie, nous avons réglé le problème le plus rapidement possible. Face à ces incivilités inadmissibles il faut réagir vite, mais nous comprenons fort bien la gêne temporaire que cela a pu occasionner aux usagers.

En plus des sorties mensuelles sur la réserve et le kayak-ornitho sur le lac des 2 amants, nous avons participé à différents événements tels que la mini-armada avec des balades vieux gréements commentées et un accueil posté sur le lac des 2 amants. La réserve a été aussi présente aux stands lors de la fête des Espaces Naturels Sensibles à Pourville et les journées porte-ouvertes Toshiba de Dieppe.

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Du point de vue ornithologique, en plus des espèces habituelles nicheuses, nous avions l’espoir de pouvoir prouver la nidification du grèbe à cou noir dans la roselière. Ce ne fut malheureusement pas le cas malgré la présence d’au moins 2 couples paradant. De plus, début juin, la macabre découverte d’un grèbe à cou noir bagué espagnol a marqué un point d’arrêt à cette installation. Il est particulièrement intéressant de savoir que cette tentative est le fait d’un individu ibérique mais à ce jours nous nous ne sommes pas en mesure de vous fournir sa « carte d’identité ».

Il est bien connu que le grèbe à cour noir aime s’installer parmi les colonies de mouettes et la présence quasi annuelle de l’espèce sur la réserve nous incitait à croire à la réussite cette installation.

D’une taille légèrement supérieure à celle du grèbe castagneux, c’est un excellent nageur recherchant petits poissons et insectes aquatiques. Comme tous les grèbes, leurs doigts ne sont pas palmés mais lobés et la disposition de leurs pattes à l’arrière du corps leur permettent de se propulser sous l’eau où ils peuvent rester en apnée quelques minutes.

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Début juillet, nous avons observé une femelle de blongios nain. Il y a quelques années celui-ci avait niché avec succès. Oiseau très discret en période de nidification, il aime faire son nid dans les saulaies ou roselières denses. Nous nous apercevons généralement de sa présence courant juillet grâce à son chant (proche de l’aboiement sourd d’un petit chien) qui peut s’entendre d’assez loin.

Héron très petit et farouche, on le voit parfois se nourrir de minuscules poissons, grenouilles et insectes en pêchant en bord de roselière ou en s’accrochant et se balançant aux roseaux.

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Février à Avril 2019

Le chantier traditionnel de printemps qui permet aux mouettes rieuses et mélanocéphales ainsi qu’aux sternes pierregarins de nicher sur la réserve a pu être réalisé grâce à la participation de 4 adhérents bénévoles et des jeunes de l’EPIDE de Val-de-Reuil. Merci à eux et aussi à la Base de Loisirs de Léry-Poses en Normandie pour la mise à disposition d’un bateau. Rappelons que cette colonie de laro-limicoles est la plus importante de Normandie et que le maintien d’un espace bien dégagé sur les îlots est indispensable pour ces espèces. Les radeaux ont été réparés et remis en place aussi pendant ce chantier. Ils sont plus particulièrement destinés aux sternes qui arrivent plus tardivement que les mouettes sur le site.

Les niveaux d’eau sont restés bas tout l’hiver ce qui a permis la repousse des saules et des aulnes derrière la roselière. Il a fallu essayer de contenir ce départ de reboisement en organisant dans l’urgence un chantier informel. Merci aux vaillants adhérents qui sont venus prêter main forte.

Fin février, une Foulque macroule équipée d’un collier blanc avec un code alphanumérique noir (W21) a été observée sur le Lac des Deux Amants. Renseignements pris auprès du responsable de ce programme de baguage, cet oiseau a été capturé en Pologne au printemps 2018, vraisemblablement sur son site de nidification. Le travail des bagueurs nous permet d’en savoir plus sur la migration des oiseaux et sur leur fidélité aux sites de reproduction et d’hivernage. W21, une femelle, a donc parcouru 1300 km pour venir hiverner ou faire une halte migratoire sur le Lac des Deux Amants.

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Plus grande que la Poule d’eau mais plus petite que le Canard colvert, couverte d’un plumage paraissant tout noir de loin et tranchant nettement avec son bec et son front d’un blanc immaculé, la Foulque macroule se repère facilement sur les plans d’eau qu’elle fréquente toute l’année. Ses yeux sont rouges et ses grosses pattes munies d’une palmure lobée, jaune-verdâtre.

Grégaire en hiver, on peut l’observer en troupes pouvant compter jusqu’à plusieurs milliers d’individus, souvent mêlés à d’autres oiseaux d’eau.

Dès le printemps, elle s’isole par couples et la défense du site de nidification entraîne de fréquentes querelles avec cris et combats pattes en avant. Le mâle construit plusieurs ébauches de nid flottant près d’une rive ou dans une roselière. La femelle en choisit une et participe à l’achèvement du nid fait de branches et de divers végétaux. Elle y pond jusqu’à 10 œufs qui sont couvés 3 semaines. Les 2 parents sont impliqués dans l’élevage des jeunes.

La foulque est omnivore. Elle consomme des végétaux qu’elle peut aller cueillir au fond de l’eau en plongeant, des herbes, toutes sortes de graines glanées sur les berges et divers petits animaux.

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Les 1ères hirondelles tant attendues, signal du retour du printemps, ont été vues dès la mi-mars. Depuis, les grands migrateurs qui reviennent d’Afrique pour nicher chez nous, se font entendre les uns après les autres : le Coucou gris, le Rossignol philomèle, le Pouillot fitis, la Fauvette grisette, le Phragmite des joncs et tout récemment la Fauvette des jardins.

Alors que ces migrateurs commencent à s’installer, des espèces sédentaires élèvent déjà leurs jeunes. C’est le moment de faire le décompte des colonies de hérons cendrés et de grands cormorans : si celle des hérons cendrés est en légère régression par rapport à l’an dernier, celle des grands cormorans connaît un petit regain d’une dizaine de nids.

 

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