Réserve ornithologique de la Grande Noë

Présentation de la réserve de la Grande Noë

Réserve de la Grande Noé (27)
Nom : E01 / Grande Noé
Commune (Dpt) : Le Vaudreuil (27)
Date de création : 1987
Propriétaire :  
Conservateur : Christian Gérard
Superficie : 65 Ha
Milieu principal : Plan d'eau
Statut : ZICO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Description

En aval de Paris, la Seine décrit de larges méandres bordés sur une rive par des coteaux calcaires abrupts et secs et sur l'autre par des étendues plus ou moins plates. Ces "boucles" offrent une mosaïque de milieux propices à une avifaune très diversifiée: cultures, bois, forêts, pelouses sèches, plans d'eau et zones urbanisées.
A 25 kilomètres au sud-est de Rouen, la "boucle de Poses" abrite la Réserve Ornithologique de la Grande Noé.

Depuis des millénaires, le paysage est façonné ici comme ailleurs par les activités de l'homme. La forêt originelle avait laissé place depuis longtemps aux prairies pâturées et aux cultures lorsque l'exploitation du granulat a été entreprise à partir des années 60, conjointement à la création de la ville nouvelle de Val-de-Reuil. Les creusements ont généré de nombreux et vastes plans d'eau par affleurement de la nappe aquifère, bouleversant définitivement le paysage et les milieux naturels, entraînant la disparition de nombreuses espèces animales et végétales mais permettant à d'autres de s'installer, parfois en grand nombre.

Aujourd'hui, la boucle de Poses comporte plus de 600 ha de plans d'eau. Quelques-uns sont privés, d'autres sont temporaires et seront remblayés pour remettre les terres en exploitation agricole mais les plus grands plans d'eau sont gérés par le Syndicat Mixte du Vaudreuil (SMV) qui les dédie aux loisirs: navigation de plaisance, baignade, pêche… En 1987, devant l'affluence des oiseaux d'eau sur l'ensemble des étangs de la boucle, une convention est signée entre le GONm et le SMV pour faire de l'étang de "la Grande Noé", d'une superficie de 65 hectares, une réserve ornithologique. Toute activité de loisir y est dorénavant interdite, afin de préserver la tranquillité de la faune sauvage.

Points forts

Une ZNIEFF et une ZICO ont été désignés dans la boucle de Poses, attestant de son intérêt écologique. Assez proche de l'estuaire donc de la mer, cette boucle présente la particularité de se situer à la confluence de la Seine, l'Eure et l'Andelle, où se concentrent les flux d'oiseaux migrateurs.

L'étang de la Grande Noé se prêtait bien à une mise en réserve pour plusieurs raisons.
Les profondeurs y sont variées, allant de quelques centimètres à six mètres, avec des hauts-fonds et plusieurs îlots. Un long îlot boisé a permis à une colonie de grands cormorans de s'installer. Un autre, maintenu au contraire défriché et caillouteux, permet aux sternes et aux mouettes de nicher.
La berge ouest a été réaménagée par rejet des fines de lavage issus de l'extraction de granulats. Son tracé est volontairement sinueux pour multiplier les interfaces terre/eau. La pente est volontairement douce, ce qui a permis l'implantation d'une roselière.
Des arbres et arbustes à baies ont été plantés autour de l'étang, notamment pour couvrir le bruit et la vue de la route et ainsi préserver la tranquillité des oiseaux. Une clôture a dû être installée sur la berge sud, la plus dérangée. Dernièrement, une mare à batraciens a été creusée au bord de l'étang, conformément aux recommandations de l'expertise écologique commandée par l'Union Nationale des Producteurs de Granulats.
La réserve et les autres étangs ont des rôles complémentaires. Les oiseaux d'eau utilisent de jour toutes les zones humides de la boucle pour rechercher de la nourriture et se réfugient à la réserve en cas de dérangement. Pour la même raison, le taux de reproduction est beaucoup plus important à la réserve que sur les autres étangs.

Gestion

A partir de 1992, un garde-animateur est employé par le GONm à plein temps sur le site. Il est chargé de la gestion de la réserve, de son entretien et des animations. Un bilan annuel est adressé tous les ans aux partenaires du GONm.

Trois huttes d'observation ont été réalisées en différents points de vue pour étudier les oiseaux et les rendre visibles au plus grand nombre, sans les déranger. En 2000, trois radeaux ont été installés pour permettre à davantage de sternes de nicher. Ils ont été occupés aussitôt. Pour l'accueil du public, ont été aménagés un chemin d'accès, un parking, des panneaux d'information et de signalisation. Le GONm assure aussi la médiatisation du site. Chaque année, 100 à 400 animations sont assurées par le GONm sur le thème de l'avifaune de la boucle de Poses, ce qui représente 1000 à 2500 participants, auxquels s'ajoutent les visiteurs spontanés de la réserve, de plus en plus nombreux.

Le suivi ornithologique, réalisé par l'employé permanent et les bénévoles du GONm, consiste en un comptage hebdomadaire de tous les oiseaux sur tous les plans d'eau de la boucle pour connaître les espèces qui fréquentent la boucle et les fluctuations de leurs effectifs, au suivi de la reproduction pour connaître le succès de la reproduction et au suivi des oiseaux bagués pour appréhender la provenance des oiseaux.

L'entretien de la réserve consiste actuellement à couper les saules pour éviter qu'ils n'envahissent la roselière, défricher l'îlot central pour le maintenir caillouteux, tailler les buissons devant les observatoires pour ne pas qu'ils bouchent la vue et ramasser les déchets laissés par les visiteurs et les automobilistes. Ces travaux sont effectués par l'employé du GONm, ceux du SMV, et les bénévoles de l'association.

Qualité de l'eau

La végétation aquatique des étangs de la boucle de Poses contribuent à l'épuration naturelle des eaux. L'étang de la Grande Noé est un plan d'eau fermé. C'est le seul étang de la boucle qui ne communique pas avec la Seine. Son eau est renouvelée constamment par des processus complexes d'infiltration de l'eau, ce qui explique sa clarté. Si son taux de nitrates est le moins élevé de tous les étangs de la boucle, sa turbidité est importante, car les fines de lavage qui recouvrent la berge ouest sont régulièrement remises en suspension par la houle. Ceci a pour effet de freiner le développement du plancton et des herbiers aquatiques. Ce phénomène peut être considéré comme préjudiciable à la valorisation écologique de l'étang mais il ne fait, somme toute, que ralentir le son vieillissement, et pourquoi se presser ?


Intérêt ornithologique

L'avifaune représente l'intérêt écologique principal des étangs de la boucle de Poses. Depuis 1972, date de création du fichier de données ornithologiques du GONm, 204 espèces, 2 sous-espèces et 7 espèces échappées de captivité ont été recensées rien que sur la réserve, dont 42 sont inscrites à l'Annexe I 79-409.
70 espèces ont niché au moins une fois sur la réserve, dont 50 passereaux et 1 échappée de captivité. 12 de ces espèces sont rares au plan régional (dont canard souchet, fuligule milouin, râle d'eau, petit gravelot), et 5 sont inscrites à l'Annexe I 79-409 (grand cormoran, blongios nain, mouette mélanocéphale, sterne pierregarin et martin pêcheur). Une espèce citée au "Livre Rouge des Espèces menacées de France", le Blongios nain a niché en 1985 sur la Grande Noé (2 jeunes à l'envol). Le seul autre cas de reproduction récent dans la région date de 1977 dans l'estuaire de la Seine. Les effectifs de 12 espèces nicheuses sur la Grande Noé ont atteint le seuil de 1% de la population régionale.
Une héronnière d'une soixantaine de couples est installée dans la boucle depuis 1985.
Les colonies de sternes pierregarin et de mouettes rieuses sont devenues en quelques années les premières en Normandie par leurs effectifs. La colonie de mouettes mélanocéphales, toujours grandissante, est tout simplement la seule de la région.
En hiver, 10 000 à 15 000 mouettes et goélands se rassemblent en dortoir sur le plus grand plan d'eau de la boucle, la réserve servant de pré-dortoir et de gagnage pour quelques uns.
L'hivernage du fuligule milouin atteint les critères RAMSAR, soit 1% de la population biogéographique concernée. Certaines années, la Grande Noé arrive au deuxième rang en France derrière la Camargue lors des recensements de la mi-janvier pour le programme BIROE (Bureau International de Recensements des Oiseaux d'Eau), maintenant intitulé Wetlands International. Les effectifs de fuligule morillon et de foulque macroule atteignent aussi des rangs inférieurs à dix en France certains hivers.
La colonie de grands cormorans, sous-espèce continentale Phalacrocorax carbo sinensis, est en passe de devenir la première de France. En hiver, le dortoir de cormorans est le plus important de Normandie.
Dans l'étang Hérouard, le dernier en cours d'exploitation, l'affleurement de la roche mère a fait apparaître des hauts-fonds qui redoublent l'intérêt du site sur le plan ornithologique, puisqu'ils représentent des reposoirs où s'arrêtent pour se nourrir des milliers d'oiseaux migrateurs, notamment des limicoles.
L'extraction de granulats a donc généré une zone humide dans la boucle de Poses qui a acquis un rôle majeur au plan régional, national et européen, et qui possède encore des potentialités sur le plan écologique.

Points faibles

L'hirondelle de rivages est un autre exemple de la contradiction de l'exploitation de granulats. Elle nichait naturellement en colonie en creusant des terriers dans les berges sableuses des fleuves sauvages. De nos jours, elle trouve des milieux de substitution dans les tas de sable et fronts de taille abrupts des sablières. Mais ces sites de reproduction sont précaires et le succès de reproduction est très aléatoire.
Il est à craindre que les quelques couples d'œdicnèmes criards qui subsistent encore dans la boucle perdent l'habitat nécessaire à leur reproduction. Cette espèce menacée niche au sol sur les pelouses sèches. Il n'a pas été prévu de recréer ces milieux après l'exploitation sur le site.
Enfin, l'un des principaux facteurs limitant le développement des effectifs d'oiseaux d'eau dans la boucle de Poses, notamment des anatidés, est la raréfaction des aires de gagnage que sont les vasières et les prairies.

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